POURQUOI LES FEUILLES DES OIGNONS SONT-ELLES DÉFORMÉES ?

Les feuilles de mes oignons et de mes échalotes vrillent puis jaunissent et certains bulbes deviennent noirs et pourrissent. Que faire ?

©Jean-Claude Houx
Ce symptôme bien particulier signale une attaque de nématodes que l’on appelle maladie vermiculaire de l’oignon. Couramment appelé anguillule des tiges et des bulbes et par les scientifiques Ditylenchus dipsaci, est un ver minuscule et transparent qui parasite les plantes, provoquant la déformation des tiges et des feuilles, puis la déformation des bulbes qui se craquèlent. Très commun, c’est un ravageur redoutable qui provoque très souvent la mort des végétaux parasités.
De nombreux légumes attaqués
Très polyphages, les nématodes des tiges et des bulbes, sont parfois nommés anguillules des feuilles de narcisse ou nématodes des tiges du phlox. On a recensé plus de 400 plantes couramment attaquées en France par Ditylenchus dipsaci (1 200 en Europe). Outre les oignons (Allium cepa), les échalotes (Allium ascalonicum), les poireaux (Allium porrum), les fraisiers (Fragaria vesca), les pommes de terre (Solanum tuberosum), les haricots (Phaseolus vulgaris), les petits pois (Pisum sativum), les choux (Brassica oleracea), le céleri (Apium graveolens), les navets (Brassica napus), la ciboulette (Allium schoenoprasum) et les betteraves rouges (Beta vulgaris), espèces les plus souvent affectées dans nos potagers.

La planche d’oignons de notre correspondant, présente les symptômes caractéristiques d’une attaque de nématodes. ©Jean-Claude Houx
Les grandes cultures sont aussi menacées
Des attaques sont courantes dans les grandes cultures sur la féverole (Vicia fava), la luzerne (Medicago sativa), le trèfle (Trifolium pratense), l’avoine (Avena sativa), le seigle (Secale cereale), le maïs (Zea mays), le tabac (Nicotiana tabacum), la moutarde (Sinapis alba), le chanvre textile (Cannabis sativa), le houblon (Humulus lupulus), etc. Ce nématode prend aussi pour hôte des plantes sauvages telles que le lamier pourpre (Lamium purpureum), l’ortie blanche (Lamium album), la renoncule des champs (Ranunculus arvensis), le liseron des champs (Convolvulus arvensis) et la folle avoine (Avena fatua).

Une forte attaque de nématode des tiges sur de la luzerne. La culture est entièrement détruite. ©Flora
Le jardin d’ornement n’est pas épargné
Certaines plantes ornementales tels les phlox annuels (Phlox drummondii) et phlox vivaces (Phlox paniculata) se montrent particulièrement sensibles. Leurs tiges grossissent et se fissurent à la base durant l’été avant la floraison, les feuilles sétroitisent et se développent mal. On observe aussi des attaques fréquentes sur les œillets (Dianthus spp.), les jacinthes (Hyacinthus orientalis), les narcisses (Narcissus spp.) et les tulipes (Tulipa spp.). On a aussi observé des attaques sur plusieurs espèces d’Hydrangea.

Les nématodes provoquent des déformations sur les feuilles de phlox. ©Robert Wick
Un ravageur des tiges, des feuilles, des bulbes
Ditylenchus dipsaci est le seul nématode endoparasite qui attaque les parties aériennes de la plante (tige, feuilles, gousses et graines). Sédentaire, il pénètre dans les plantes par les stomates (orifices sur et sous les feuilles, servant à l’évapotransiration) et il se nourrit du parenchyme (tissu cellulaire). La femelle pond de 200 à 500 œufs à l’intérieur même de la plante. Les cycles complets de développement et de multiplication du parasite s’effectuent à l’intérieur de son hôte. Lorsque ce dernier dépérit, les nématodes l’abandonnent et migrent dans le sol en attendant d’envahir d’autres végétaux. Ils peuvent persister jusqu’à 8 à 10 ans à l’état latent.

Le nématode des tiges et des bulbes est un ver microscopique. ©Ali al Badi
L’humidité favorise l’infestation
Par temps doux (15/20 °C) et humide (pluie, brouillard, rosée, arrosage abondant), les larves et les adultes de l’anguillule des tiges et des bulbes migrent hors du sol et se déplacent à la surface des tiges et des feuilles dans la pellicule d’eau qui les recouvre. Les nématodes pénètrent à la base des tiges ou dans les écailles des bulbes, en creusant des cavités. Ces dernières forment des lésions brun-rouge plus ou moins importantes.

L’anguillule des tiges et des bulbes infecte directement les parties aériennes ©Jean-Claude Houx
À la fin de végétation, les parties abîmées ont séché, formant un dépôt cotonneux constitué de millions de vers en diapause (activité métabolique ralentie). Ils constituent un redoutable potentiel d’infestation pour les cultures à venir.

Le « nid » de nématodes prend un aspect fibreux, comme du coton. ©DITYDI
Des dégâts catastrophiques
Les plantes attaquées par l’anguillule des tiges et des bulbes restent chétives, comme rabougries. En réaction aux enzymes toxiques contenues dans la salive des vers, les tiges épaississent, se tordent et s’enroulent plus ou moins en spirale. On peut observer des cloques à la surface des feuilles qui se décolorent. Une fois déformées, elles noircissent et prennent une texture cassantes. Le collet (jonction de la racine et de la tige) ramollit et la partie aérienne de la plante se détache aisément de la racine. Les feuilles restent de taille réduite et portent, sur la nervure médiane, des taches qui se nécrosent.

La tige d’un plant de fève, déformée par une attaque de nématode. ©Arvalis
Chez les plantes à bulbes, l’infection se produit à l’intérieur de l’oignon dont la texture se ramollit. Divers micro-organismes se développent sur les organes affectés, provoquant leur pourrissement. Les dégâts des nématodes sont plus importants dans les sols lourds que dans les terres bien drainées.

Les bulbes attaqués (ici des oignons) sont déformés et présentent des lésions. ©Inra
Semer uniquement des graines saines
Il importe de savoir bien identifier une attaque de nématodes dans les cultures. Les infestations provenant de la semence se caractérisent par des symptômes ponctuels sur quelques plantes, tandis qu’une attaque provenant du sol touche en général toute la parcelle. Le seul moyen dont on dispose aujourd’hui pour limiter les invasions de nématodes est de ne pas semer de graines parasitées. Le plus sûr consiste à ne pas produire ses graines soi-même et à acheter de la semence dans le commerce, dont la qualité sanitaire est garantie car obligatoire.

Pour éviter les attaques de nématodes, achetez des semences certifiées d’oignon, d’ail ou d’échalote. ©N. & P. Mioulane/NewsJardinTV
Le trempage des graines dans de l’eau chaude (45 °C) pendant un quart d’heure permet de réduire les risques. Les semences infectées par les nématodes sont plus sombres et plus petites que la normale. Elles peuvent présenter des petites taches éparses.

Tremper les graines dans l’eau chaude avant de les semer réduit les risques d’attaque par les nématodes. ©Flora
Il faut détruire les plantes malades
Arrachez et brûlez les plantes attaquées dès l’observation des premiers symptômes afin de freiner le développement des anguillules. Nettoyez soigneusement les outils après le travail du sol en les débarrassant bien de la terre qui les recouvre.
Ne plantez pas les légumes trop serrés. Une rotation des cultures consistant à mettre en place pendant trois ans au moins, dans les parcelles contaminées, des plantes non sensibles (laitue, épinard, Cucurbitacées…) constitue une bonne prophylaxie.

Une plantation aérée ralentit la prolifération des nématodes et réduit les risques de maladie cryptogamique. ©N. & P. Mioulane/NewsJardinTV