Parmi les décisions récentes du gouvernement destinées à renforcer la sécurité routière, une mesure est passée inaperçue car elle n’a quasiment pas été relayée par les médias. Les préfets vont devoir dresser rapidement une liste exhaustive des arbres d’alignement considérés comme : « situés trop près des routes ». Bien que le ministère de l’Intérieur ne fournisse aucun chiffre sur le sujet (on parle de 400 tués par an dans des sorties de route s’étant terminées contre un arbre), les arbres sont accusés d’augmenter le nombre des victimes de la route. À croire qu’il n’existe pas d’autres obstacles le long des voies de circulation sur lesquels une voiture risque de s’écraser…
Une tradition historique
Le fait de planter des arbres le long des routes remonte à Henri II (1519-1559) qui pour « les besoins de chacun et pour les affûts et remontages de l’artillerie », signa en 1552 les : « lettres patentes royales qui enjoignent de planter des ormes le long des grands chemins et voirie ». Puis Henri III (1551-1589), décida de baliser les voies pour éviter leur envahissement par les cultures riveraines (vu d’aujourd’hui, c’est le monde à l’envers !), en signant en janvier 1583 un édit ordonnant de planter des ormeaux, noyers et autres arbres en bordure des chemins publics.
Par arrêt du 3 mai 1720, Louis XV (1710-1774), souhaitait préserver une largeur de soixante pieds (19,50 m) pour la circulation. Il ordonna de creuser des fossés parallèles aux routes et obligea les propriétaires riverains à planter, une toise plus loin (environ 1,95 m) : ormes, hêtres, châtaigniers et arbres fruitiers.
Au début du dix-neuvième siècle, dans le but de réduire la poussière soulevée par les véhicules et d’ombrager les routes, l’É́tat intensifia les plantations d’arbres d’alignement. Des plantations massives furent aussi réalisées dans les années 1930, et juste après la dernière guerre.
Aujourd’hui devenus majestueux, les arbres installés le long des routes constituent des éléments structurants du paysage de l’Hexagone. Malheureusement, dans le sud de la France et la région Centre, notamment le Loiret, les conseils généraux sont en pointe dans la lutte contre les arbres. Ils détruisent sans vergogne les paysages et un patrimoine vivant d’une grande richesse.
Un danger réel, mais qu’il faut relativiser
Et pourtant… Diverses études ont mis en évidence l’effet positif des arbres pour la sécurité routière. Il est lié notamment à leur capacité à signaler efficacement les virages, les carrefours, les entrées d’agglomération et à rendre la vitesse perceptible par le défilement des troncs. L’aspect esthétique des arbres d’alignement contribue également à un abaissement significatif de la vitesse, le regard étant sensible à leur présence ce qui incite à ralentir pour mieux en profiter.
Par ailleurs, il est tout à fait possible de protéger les automobilistes imprudents en posant des rails de sécurité devant les alignements, sans avoir à les éliminer (il faut toutefois que les arbres soient plantés au minimum à 4 m du bord de la route). Il faut également signaler que divers pays : Allemagne, Grande-Bretagne, Luxembourg, République tchèque et Suède entre autres, ont placé les arbres d’alignement sous la protection de la loi pour leur rôle écologique, paysager et culturel.
Il faut respecter et protéger ce patrimoine vivant
Sous le couvert d’un discours sécuritaire, il semble que les politiques soient surtout enclins à éliminer les arbres pour libérer de l’espace destiné à enfouir des réseaux de fibres optiques le long des routes, sans empiéter sur les terres agricoles. Il est vrai que cela coûterait des sommes astronomiques aux opérateurs car ce travail est impossible à réaliser à proximité des arbres, vu l’importance de leur système racinaire.
En raison des milliers de kilomètres qui restent encore bordés d’arbres sur notre territoire, on peut craindre à terme une « déforestation massive ». C’est la preuve que les problèmes environnementaux et les fameuses « menaces sur la planète » pèsent peu devant les enjeux technologiques, économiques et politiques.
Si vous désirez contester cette décision politique et vous engager en faveur de la protection du patrimoine arboré des routes de France, vous pouvez signer une pétition en ligne en cliquant sur le lien (texte en bleu, souligné).