LE 9 JUIN, C’EST AUSSI LE JOUR DE LA CENTAURÉE BARBEAU
Dans le calendrier républicain français, le vingt-et-unième jour du mois de Prairial avait été décrété officiellement jour du barbeau. Pour Fabre d’Églantine qui avait mis au point ces références naturalistes journalières, il s’agissait du poisson d’eau douce (Barbus barbus), mais nous connaissons également un barbeau dans le monde végétal, à savoir : Centaurea cyanus L., couramment appelé bleuet, mais aussi centaurée barbeau.
Une fleur qui pousse dans les blés
Le bleuet est une plante annuelle à port dressé, dont les feuilles de 10 à 20 cm de long, lancéolées, entières, laineuses au revers, présentent à la base quelques lobes pennatifides (profondément découpés). De mai à juillet, des fleurs de 2 à 4 cm de diamètre, bleu foncé, à ligules centrales bleu violacé, s’épanouissent à l’extrémité des tiges de 20 à 80 cm de haut.
Cette plante messicole (qui pousse dans les moissons) est originaire des régions tempérées de l’hémisphère Nord. Elle se raréfie en France du fait de l’utilisation des herbicides dans les cultures de céréales. Mais on en cultive différentes races horticoles.
Un peu de botanique
Créé en 1753 par le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778), le genre Centaurea (Asteraceae) est constitué d’environ 450 espèces d’annuelles, de bisannuelles, de vivaces et de sous-arbrisseaux vivant dans les zones sèches des forêts, sur les pentes rocailleuses des montagnes, dans les prairies subalpines ou sur les dunes. Les centaurées sont surtout présentes en Europe, dans le Bassin méditerranéen, mais quelques-unes vivent en Asie, en Australie et en Amérique du Nord.
La plante qui guérit des flèches d’Hercule
Le nom « centaurée » viendrait de la légende thessalienne (la Thessalie est une région de Grèce) impliquant du centaure Chiron (mi-homme, mi-cheval). À l’inverse de ses congénères, il se distinguait par sa bonté, sa délicatesse et son savoir. Blessé par une des flèches empoisonnées d’Hercule, il réussit à en guérir en appliquant sur la plaie des fleurs bleues. Très féru de botanique Chiron inculqua ses connaissances des plantes médicinales à Esculape, Ulysse et Achille.
L’amoureux de la déesse des fleurs
Selon la légende mythologique, le jeune Cyanus était un adorateur dévoué de Flora, la déesse des fleurs. Cette dernière ayant trouvé un jour son soupirant mort dans un champ de blé, elle le transforma en bleuet afin d’honorer sans détour son amour et sa tendresse.
La plante qui « casse les lunettes »
La décoction de bleuet était prescrite jadis en cas d’irritation des yeux et des paupières et pour lutter contre la conjonctivite, en raison de son action anti-inflammatoire (substances actives : polyines, anthocyanosides), d’où son nom populaire de « casse lunettes ». Plus généralement, on emploie le bleuet pour apaiser les inflammations de la peau et des muqueuses et en cosmétologie. . L’eau florale de bleuet, obtenue par distillation des fleurs séchées, constitue notamment un excellent démaquillant.
Les fleurs comestibles du bleuet s’utilisent dans les desserts (mousses, salades de fruits ou gâteaux). Le goût n’est pas très prononcé, mais c’est l’occasion d’apporter des touches de couleurs très originales.
Une plante commune, mais menacée
Dans les campagnes, le bleuet était considéré à la fin du dix-neuvième siècle comme très commun. À partir de la moitié du vingtième siècle, il a très fortement régressé dans les secteurs de grandes cultures au fur et à mesure du développement de l’agriculture intensive en raison de l’emploi généralisé d’herbicides et des semis denses en monoculture.
C’est aujourd’hui une des plantes messicoles les moins présentes, même s’il est possible de l’observer en bordure des champs et dans les parcelles travaillées en agriculture biologique. On peut aussi voir des bleuets dans les décombres et les friches si le sol est favorable.
Un retour en force grâce aux jachères fleuries
Le bleuet sauvage est une plante annuelle thérophyte (qui passe la mauvaise saison sous forme de graines), pollinisée par les insectes. La dissémination de la semence s’effectue par le vent, l’eau, les animaux et l’homme.
On utilise couramment des races de bleuets horticoles dans les « jachères fleuries ». Les cultivars sélectionnés développent une inflorescence plus dense mais stérile et ne présente pas d’intérêt pour les insectes pollinisateurs. En revanche, certains semenciers spécialisés (Nova Flore par exemple) proposent des mélanges floraux d’espèces sauvages, ce qui permet de reconstituer les populations de bleuets dans les régions où la plante s’est raréfiée.
Centaurea montana est également cultivée dans les jardins mais cette espèce se distingue par sa végétation vivace, de longues feuilles décurrentes, un capitule plus gros, des fleurs centrales violettes et l’aigrette du fruit beaucoup plus courte que ce dernier.
Des bleuets dans votre jardin
Le bleuet réussit dans les jardins de toutes les régions. Semé au printemps (avril), directement en place, à la volée, il fleurit dans le courant de l’été. Il existe des cultivars à fleurs doubles et de couleurs variées, notamment roses et blancs qui permettent de composer des motifs d’une plus grande densité florale, mais qui ne jouent pas le même rôle écologique.
Offrez au bleuet une terre riche et consistante, argilo-calcaire de préférence et ne le laissez pas manquer d’eau, mais ne détrempez pas le terrain. Après la floraison, laissez les fruits se former afin que la plante essaime naturellement. Vous la retrouverez l’année prochaine dans des endroits inattendus qu’elle aura colonisés.
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