Dans le calendrier républicain, le 14 mai est le jour de la carpe, alors pourquoi les jardiniers ne célébreraient-ils pas le cœur de Marie qui achève sa floraison ? Cette plante vivace dont la végétation émerge à toute vitesse dès les premiers jours du printemps, porte l’une des plus originales floraisons du monde végétal. Associée à de jolies légendes, c’est une excellente décoration pour tous les jardins et même les balcons.
La première mention du cœur de Marie en Europe date de 1804 par le botaniste allemand Friedrich Gottlieb Dietrich (1765-1850) dans son livre « Vollständige Lexicon der Gartneri und Botanik ». Il nommait alors la plante Fumaria. Elle fut introduite, mais sans grand succès en 1812 dans les jardins anglais.
Chronique d’un succès annoncé
En 1846, le célèbre explorateur et collecteur de plantes Robert Fortune (1812-1880) récolta un plant de cœur de Marie sur l’île de Zhoushan (Chusan) au nord-est de la Chine et le fit parvenir au jardin à Kew à Londres. La plante était accompagnée d’une note spécifiant qu’elle serait sans doute très populaire auprès des jardiniers dans les cinq années à venir. La prévision était exacte et depuis la seconde moitié du dix-neuvième siècle, le cœur de Marie connaît un succès ininterrompu auprès des amateurs de belles plantes.
Un nouveau nom botanique bien difficile à assimiler
Principalement originaire du Japon, mais poussant aussi spontanément en Corée et en Sibérie, le cœur de Marie reste assez rare dans la nature. On le rencontre jusqu’à 2 400 m d’altitude ce qui en dit long sur sa rusticité. La plante a d’abord été nommée Dicentra spectabilis par Carl von Linné (1707-1778), appellation qui lui est restée jusqu’à ce que le botaniste japonais Tatsundo Fukuhara, crée en août 2006 le genre monospécifique Lamprocapnos spectabilis. Suite à une étude approfondie du genre Dicentra en 1997, il s’est rendu compte que notre cœur de Marie présentait des différences significatives au niveau moléculaire avec les huit autres espèces de Dicentra reconnues par la nomenclature internationale.
Un véritable galimatias de dénominations en tous genres !
Cela peut sembler un brin compliqué, mais sachez que le cœur de Marie est une plante assez volage, puisqu’elle fut également appelée Fumaria et Dielytra par les botanistes. Elle a également changé de famille puisque les Fumariaceae qui l’hébergeaient ont intégré comme une tribu des Papaveraceae. Désormais le cœur de Marie est donc cousine du coquelicot !
Côté noms vernaculaires, c’est tout aussi délirant puisque si l’on trouve communément l’appellation cœur de Jeannette qui n’est qu’un changement de prénom, l’appellation assez courante de « cœur saignant » est associée à une jolie légende que je vais vous conter plus loin. Les Anglais qui ne manquent pas d’imagination pour désigner les plantes appellent aussi notre cœur de Marie : « chariot de Vénus », « médaillon des dames », « fleur de lyre », « cœur brisé », « Notre-Dame dans un bateau » ou même « la dame dans son bain » ou « pantalon chinois » !
La jolie légende du cœur saignant
Il y a très, très longtemps au Japon, un jeune homme essayait de gagner le cœur d’une délicieuse jeune fille. Il tenta de la séduire en lui offrant deux lapins (symbolisés par les deux premiers pétales pointus de la fleur du cœur de Marie qui évoquent les oreilles des lapins), mais elle le dédaigna. Il revint alors avec une paire de pantoufles (représentées par les parties bien arrondies de la fleur), mais elle resta de marbre. L’amoureux transi se ruina alors pour une paire de boucles d’oreilles (qui sont évoquées par la partie blanche et pendante de la fleur). Malheureusement la belle se refusa définitivement et le garçon éperdu de chagrin se transperça le cœur avec son sabre. C’est, avec la couleur de la fleur qui renforce le symbole, ce qui vaut aujourd’hui à la plante son appellation « cœur saignant ».
Le cœur de Marie dans votre jardin
La plante forme une touffe de rameaux arqués de 60 cm de long environ dont le feuillage vert clair, légèrement glauque est découpé en trois folioles. Le cœur de Marie apprécie les endroits frais, de préférence abrités des courants d’air et des gelées tardives. Le sol doit être riche, humifère et plutôt légèrement acide (la culture dans du terreau est idéale). Installez de préférence la plante à mi-ombre sinon le feuillage disparaîtra très rapidement. De toute façon, il est normal de le voir jaunir après la floraison car la plante entre rapidement en dormance et disparaît au début de l’été jusqu’à la prochaine saison. Tenez-en compte dans l’organisation de vos massifs et prévoyez des annuelles pour « boucher les trous » ou bien laissez émerger la plante au milieu des tapis de plantes couvre-sol.
Maintenez à la même place le cœur de Marie car c’est une plante casanière. Les associations avec alchémille (Alchemilla mollis), primevère du Tibet (Primula florindae), funkia (Hosta spp.), myosotis du Caucase (Brunnera macrophylla), bugle (Ajuga reptans) ou lamier (Lamium maculatum) sont recommandées.
D’autres cœurs de Marie qui méritent votre jardin
Lamprocapnos spectabilis ‘Alba’ : la forme à fleurs blanches. Sa végétation est plus généreuse que chez l’espèce type, la plante exige donc un sol plus riche. Le feuillage est un peu moins glauque. Le cultivar ‘Valentine’ d’obtention assez récente se caractérise par la couleur rouge soutenu de ses fleurs.
Lamprocapnos spectabilis ‘Gold Heart’ un cultivar à feuilles dorées sélectionné en 1997 par la pépinière du jardin anglais d’Hadspen dans le Somerset, très réputé pour ses plantes vivaces.
Un petit conseil de jardinier
Lors de leur émergence au printemps, les jeunes pousses de cœur de Marie constituent une nourriture irrésistible pour les limaces. N’oubliez surtout pas de disposer quelques granulés de Ferramol (phosphate ferrique) autour du pied pour le protéger.
Acheter un cœur de Marie
Toujours vendu par les jardineries sous son ancien nom Dicentra spectabilis, le cœur de Marie fait partie des plantes les plus populaires au printemps. On trouve des potées fleuries en conteneurs de 3 l qui permettent d’obtenir un effet décoratif immédiat, mais aussi de simples godets, beaucoup plus économiques à l’achat. L’espèce à fleurs roses et la forme ‘Alba’ font partie de l’assortiment courant, mais vous pouvez aussi les acquérir directement en ligne en cliquant sur le lien (texte en bleu souligné).
Pour accueillir dans votre jardin le cultivar ‘Valentine’, cliquez sur le lien (texte en bleu souligné).
Si vous désirez jour l’originalité avec le cultivar ’Gold Heart’, cliquez sur le lien (texte en bleu souligné).
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