CONDITIONS EXTRÊMES POUR DES CACTÉES DE L’EXTRÊME.
En 1995, peu de temps après la découverte (1991) de Aztekium hintonii et Geohintonia mexicana, j’ai eu la chance de visiter, en compagnie des descripteurs de ces espèces : les Américains Charles Edward Glass (1934-1998) et Walter Fitz Maurice, le site où croissent ensemble ces deux étonnantes cactées. Nous sommes au sud du Mexique, dans l’état du Nuevo Leon, sur le territoire de la municipalité de Galeana.
Le site où l’on rencontre Aztekium hintonii et Geohintonia mexicana consiste en des falaises escarpées, au sol gypseux très hygroscopique. L’aire de répartition semble limitée à quelques collines situées à une altitude moyenne de 1 250 m. Le gypse pulvérulent se désagrège avec facilité, ce qui fait qu’après les pluies, il n’est pas rare que quelques spécimens tombent au fond de la gorge encaissée.
Les deux espèces ne vivent pas réellement ensemble, puisque la grande majorité des Geohintonia ont colonisé la face sud-est des falaises, ombragée l’après-midi, tandis que les Aztekium préfèrent plutôt la partie opposée des collines avoisinantes. On pourrait presque dire que les deux espèces se regardent ! Néanmoins, les deux genres cohabitent parfois côte à côte, sans que l’on note apparemment le moindre signe d’hybridation.
Fleurs du matin et fleurs du soir
L’absence de croisement entre les plantes voisines s’explique sans doute par leur floraison décalée. Les corolles d’Aztekium hintonii s’ouvrent en milieu de journée, celles de Geohintonia mexicana s’épanouissant plutôt depuis la fin d’après-midi jusqu’à la nuit tombée. Les fourmis paraissent jouer un rôle important dans la pollinisation, mais surtout dans la dissémination des graines.
Des plantes interdites aux collectionneurs
Nous avons observé sur le site visité une abondance de spécimens adultes de tous âges, ainsi que de très nombreuses plantules appartenant aux deux espèces. Les populations composent souvent des groupes. On ne peut donc pas affirmer qu’il s’agit d’espèces rares. Et pourtant ces deux plantes ont besoin d’être protégées.
Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre genre, les vieux exemplaires que nous avons observés étaient sclérosés. En revanche, ceux qui ont perdu la partie apicale pour diverses raisons, ont tendance à émettre des rejets. Dans leur biotope, Aztekium hintonii et Geohintonia mexicana ne paraissent pas menacés par les troupeaux de chèvres ou même par l’agriculture car le terrain s’avère impropre à la production vivrière. En revanche, une menace directe pèse sur ces plantes, en raison de l’intérêt qu’elles éveillent chez les collectionneurs, vu l’impossibilité actuelle de se procurer légalement des graines ou même des sujets multipliés par de greffage.
Un paysage riche en plantes succulentes variées
Dans l’environnement de nos deux cactées domine par son ampleur un yucca à port solitaire qui est sans doute Yucca carnerosana , que les Anglo-saxons nomment la dague espagnole géante (Giant Spanish Dagger). Pouvant atteindre 6 m de haut, il orne les crêtes des collines ainsi que les couloirs d’éboulis. Mais, cette extraordinaire biocénose, les populations d’Aztekium hintonii et de Geohintonia mexicana sont de loin majoritaires.
Parmi les autres Cactacées rencontrées ici, on observe une forme originale de Mammillaria candida à aiguillons souples et blanc vitreux, mais aussi Mammillaria zahniana, Mammillaria pilispina, Thelocactus tulensis var. matudae, Neolloydia conoidea, Opuntia stenopetala, etc.
Il est également possible d’admirer dans ce paysage aride un superbe agave bleu à larges feuilles et apparemment non gypsophile, qui croît sur les affleurements calcaires. J’ai aussi remarqué une autre espèce, plus petite qui avait tout d’Agave lechuguilla , ainsi qu’une belle population de Dasylirion wheeleri répartie sur le flanc des collines.
D’autres végétaux présents ici semblent quasiment incongrus parmi cette population de succulentes, il s’agit de fougères et de sélaginelles (Selaginella gypsophila , S. lepidophylla), ce qui confirme une bonne retenue de l’humidité dans le terrain.
Des liens de parenté avec d’autres cactus
En raison de ma passion pour la taxonomie (la dénomination et le classement des êtres vivants), je n’ai pas pu m’empêcher, dès la parution de leur description, d’établir un lien entre Geohintonia mexicana et Aztekium hintonii. Bien que les plantes soient visuellement bien différenciées, il existe un lien de parenté presque évident entre elles.
Toutefois, plusieurs botanistes ont établi des points de comparaison entre Geohintonia mexicana et le genre Astrophytum . Par ailleurs, des caractéristiques communes pourraient rapprocher Geohintonia mexicana des genres Ariocarpus, Obregonia, Strombocactus et Pelecyphora.
À mon avis, un autre « parent » peut être recherché du côté du genre Echinocactus. En effet, Geohintonia mexicana paraît posséder quelques affinités avec Echinocactus horizonthalonius : pruine, port, laine apicale, fleurs, déhiscence des fruits… et, dans une moindre mesure, avec Echinocactus platyacanthus, le nombre de côtes étant similaire (une vingtaine). Il faut d’ailleurs préciser à cet effet que les sites où prospèrent ces Echinocactus sont tout proches.
En tout état de cause, les deux espèces que nous venons d’évoquer sont de deux plantes vraiment originales à plus d’un titre, dont la découverte récente a mis en émoi le monde des cactophiles. Le genre Geohintonia a été créé pour rendre hommage à son découvreur George S. Hinton qui a aussi été honoré par l’espèce Aztekium hintonii qu’il a également découverte, alors que le genre était jusqu’alors considéré comme monotypique (constitué d’une seule espèce comme c’est d’ailleurs le cas pour Geohintonia).